Philosophie

Question

Quel est le bien fondé de la représentation dans la dynamique démocratique du pouvoir?

1 Réponse

  • Définissons tout d'abord le concept de représentativité en politique. La représentativité est un mode de participation à la vie politique dans laquelle "les citoyens élisent des représentants qui ont un mandat d'exercer le pouvoir en leur nom [ceux des citoyens] et en leur place pour une durée limitée". Ces représentants sont donc chargés d'assurer le bon fonctionnement des institutions politiques au nom des représentés. Cette définition soulève un paradoxe, comme le suggère l'Encyclopédie Universalis¹ : l'existence politique des citoyens n'est permise qu'à partir du moment  où ils délèguent le pouvoir à une minorité (les représentants). La démocratie représentative se fonde sur une aliénation (consentie) du pouvoir mais cette mécanique est assujettie à un contrat moral entre les deux parties : le représentant doit respecter les volontés des citoyens. Malgré ce paradoxe, la démocratie représentative a donné un sentiment de démocratie plus directe, plus égalitaire dans notre imaginaire politique nourrit par l'idéal athénien de la démocratie directe et ce, depuis Jean-Jacques Rousseau. 

    Cependant, les limites de la représentativité sont nombreuses et remettent en question son bien fondé. Est-elle possible dans une société dépolitisée où une majorité de citoyens désillusionnés n'auraient plus aucune volonté politique ? Le pouvoir des représentant serait-il encore légitime ? 
    En France, par exemple, on constate que la participation aux élections cantonales, régionales ou européennes n'attirent pas foule lorsqu'on considère leur taux de participation par rapport à celui des élections présidentielles. Ce taux, aux premier tour des élections législatives, était de 80% en 1958 alors qu'en 2007 il était de 60 ². Ce constat est celui d'une profond désintéressement - ou désillusion ? - politique des citoyens et remet en question le moteur de la représentativité puisque celle-ci se repose sur un consensus de toutes les sensibilités politiques du peuple. Ce désintéressement peut être traduit par l'absence d'une vision d'avenir des politiques. 

    Par ailleurs, comme dit plus haut, la démocratie représentative se nourrit de l'idéal grec de la démocratie comme s'il s'agissait d'un système parfait où l'intérêt général serait toujours respecté. Socrate et Platon, remettait en question la démocratie athénienne en relevant son imperfection : les représentants censés servir l'intérêt commun défendraient en réalité que leurs propres intérêts. Platon considère l'aristocratie comme la constitution parfaite de l'Etat juste : le pouvoir serait confié non pas à des représentants mais à des "philosophes-rois", les seuls à même de prendre des décisions rationnelles et justes pour le bien commun. Et cela car les philosophes-rois sont les détenteurs de la raison tandis que les citoyens sont "prisonniers de la caverne", enracinés dans leur croyances, dans les apparences et les préjugés. Dès lors, la démocratie même si elle collectivise la volonté de l'ensemble des citoyens, ne peut amener à des décisions rationnelles.  

    En 2000, le philosophe Philip Pettit, énonce un dilemme³ : soit l'on "individualise" les choix politiques de chacun des citoyens - les préférences des uns et des autres sont ainsi respectées dans un choix collectif - soit l'on collectivise les préférences. Le premier choix peut faire courir le risque de choisir des décisions irrationnelles tandis que le second tend vers décisions plus rationnelles mais n'est pas à l'écoute des individus. Ce dilemme peut être résolu comme le suggère Pettit grâce à la contestation des décisions collectives finales par les membres du groupe qui se sentent lésés. 

    La représentativité est donc un système qui a ses limites. Elle peut autant se concevoir comme un moteur de la démocratie que comme un frein à l'expression politique de l'individu au profit du collectif. Par ailleurs, elle ne peut être réellement démocratique que si les représentés sont intéressés et impliqués dans la vie politique et font confiance en leurs représentants. Mais le contrat moral entre les deux parties est à double sens : si les gouvernés doivent respecter leur devoir de citoyens, les gouvernant doivent respecter leurs promesses. C'est à ce prix que la représentativité peut être légitime et constituer le réel moteur de la démocratie. 

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    RÉFÉRENCES


    ¹ http://www.universalis.fr/encyclopedie/representation-politique/
    ² Liam Fauchard et Philippe Mocellin, Démocratie participative : progrès ou illusions ?, L'Harmattan, 2012
    ³ C. List & Ph. Pettit, "Aggregating Sets of Judgements : An Impossibility Result", Economics and Philosophy, 18, 2002, p. 89-110. 

    A lire aussi : 

    www.millenaire3.com/content/.../Polere_democratie_particicipative.pdf
    http://www.inet-ets.net/wp-content/uploads/2014/10/atelier-3.pdf?574c9c
    http://www.droitphilosophie.com/articles/article/122
    http://la-philosophie.com/democratie-platon-aristote

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